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Si je suis résolument engagé dans l’action de réforme du pays entreprise par le Gouvernement, je n’oublis pas l’énorme responsabilité liée à ce pouvoir de transformation. Je ne cesse de penser que derrière chaque décision il y a des vies, des familles, des personnes …

Nous ne pouvons pas engager des décisions abruptes de changement par la loi sans prévoir les mesures d’accompagnement nécessaires aux bouleversements sociétaux qu’elles impliquent.

Quand on doit se prononcer sur la limitation de l’huile de palme ou la fermeture des centrales à charbon, nous détruisons des emplois. Quand on doit relever les seuils d’interventions des contrôles des commissaires aux comptes, nous détruisons aussi des emplois. Si ces décisions sont nécessaires et justifiées elles doivent néanmoins prévoir les mesures d’accompagnements nécessaires et indispensables pour l’ensemble des acteurs de ces secteurs.

J’ai défendu l’accompagnement nécessaire des professions impactées par les réformes que nous entendons mener à bien, non prévu dans l’article 9 de la loi PACTE.

Retranscription des propos tenus le 15 Mars 2019 :

« Précision de taille : je n’interviens pas au nom du groupe, mais en mon nom propre. Bien qu’il y aurait eu beaucoup à dire, je n’étais pas intervenu en première lecture sur les articles 9 et 10, qui concernent les professions des commissaires aux comptes et des experts-comptables. Je m’étais alors déporté et je signale, à ce propos, à la représentation nationale que le registre des déports n’existe toujours pas.

Comme certains collègues présents sur ces bancs, j’ai la prétention de bien connaître ces deux métiers. Pourtant, je n’ai pas tenu un seul propos ni pris une seule position publique, tant je craignais qu’une fois de plus, certains esprits malhonnêtes ne m’accusent de corporatisme ou de lobbyisme. Je précise à ce titre que je ne dirige aucun syndicat professionnel en relation avec ces deux métiers.

Si j’interviens aujourd’hui, c’est que j’estime qu’il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas évolué sur ce sujet. Je regrette que la profession des commissaires aux comptes n’ait pas été mieux comprise. Nombreux sont ceux qui l’assimilent à celle de l’expert-comptable. Il n’en est rien !

Ces deux métiers diffèrent sur le fond, tant dans leurs missions que dans le rôle qu’elles jouent pour les parties prenantes. Je regrette d’ailleurs que Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, qui exerce la tutelle sur cette profession, ne soit pas présente aujourd’hui.

Bien évidemment, il faut simplifier la vie des entreprises – nous partageons tous cet objectif –, mais il faut aussi simplifier celle des commissaires aux comptes ! Je reconnais bien volontiers que la profession est aussi responsable de cette situation. Depuis toujours, les tenants de la théorie selon laquelle « un audit est un audit », quelle que soit la taille de l’entreprise, ont conduit la profession des commissaires aux comptes à produire de plus en plus de normes, ce qui a eu pour conséquence d’éloigner le professionnel commissaire aux comptes du chef d’entreprise qui ne perçoit plus l’intérêt de son intervention et n’en retient que le coût, c’est-à-dire la contrainte.

Pour remédier à cette situation, je proposerai tout à l’heure un amendement d’appel pour doter enfin la Compagnie nationale des commissaires aux comptes – CNCC – d’un département dédié aux petites entreprises, comme elle en a créé un pour les entités d’intérêt public.

Cependant, n’est-il pas déjà trop tard ? L’heure est grave car si nous adoptons le texte de l’article 9 en l’état, nous aurons a minima des conséquences importantes, voire très graves !

Au plan financier, tout d’abord : je vous rappelle que le Conseil d’État, sur le fondement de la responsabilité sans faute du fait des lois, obligera l’État à indemniser les professionnels en raison du « préjudice grave et spécial ».

Cet article aura également pour conséquence de remettre en cause la sécurité économique de notre pays, ainsi que l’épargne de nos compatriotes. Savez-vous, mes chers collègues, pourquoi il y a moins de scandales financiers en France ? C’est d’abord, et surtout, parce qu’il existe des commissaires aux comptes, dont la mission d’intérêt général est définie par la loi.

Oui, cette profession est une exception française, que de nombreux pays européens nous envient. Comment se traduit-elle concrètement ?

D’abord, par la révélation de tout fait délictueux : la loi fait obligation aux commissaires aux comptes, dans le cadre de leurs missions, de révéler les faits délictueux qu’ils découvrent, auprès du procureur de la République. À l’exception des déclarations concernant Tracfin, une telle révélation ne s’impose pas aux experts-comptables, qui, eux, ont une mission de conseil. Cette obligation de révélation vise à protéger l’entité et ses dirigeants, autant que son environnement et ses partenaires.

Au-delà de la prévention, l’autre exception française est la procédure d’alerte auprès du tribunal de commerce. Dans ce projet de loi, nous parlons d’aider les entreprises à prospérer. Sachez que le commissaire aux comptes a un rôle à jouer en matière de déclenchement des procédures collectives. Il évite qu’un chef d’entreprise ne se retrouve isolé, jusqu’à ne plus pouvoir redresser la barre.

Avec cette obligation d’alerte, les commissaires aux comptes jouent un rôle fondamental de prévention des difficultés financières des entreprises. L’alerte est une vraie opportunité de redresser une situation et de sauver des emplois. Le commissaire aux comptes a un rôle de gendarme à jouer, un gendarme qui agit aussi en matière de prévention.

Enfin, l’exception française réside dans le co-commissariat aux comptes pour les entités tenues de présenter des comptes consolidés, une disposition qui suscite l’intérêt dans d’autres pays. Ce co-commissariat vise à renforcer l’indépendance de l’auditeur face aux entités contrôlées les plus importantes.

Oui, le commissaire aux comptes est utile, nécessaire, indispensable, non seulement au développement de nos entreprises, donc à la croissance économique de notre pays, mais aussi à la lutte contre la fraude. Il est le gendarme de l’entreprise, celui qui veille sur les intérêts de l’ensemble des parties prenantes, y compris ceux de l’État, en assurant la base fiscale.

Madame la secrétaire d’État, savez-vous seulement combien d’entreprises corrigent leurs comptes suite à l’intervention d’un commissaire aux comptes ? Mes chers collègues, imaginez un instant nos routes sans radars, pour prévenir, sans gendarmes, pour réorienter.

Enfin, madame la secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur une autre conséquence de ces dispositions, qui, selon moi, serait beaucoup plus dommageable : les risques liés à l’emploi. Vous la première, tout comme M. Bruno Le Maire et le Gouvernement en général, avez à cœur de lutter contre la perte d’emplois. N’était-ce pas là une de nos promesses de campagne, chers collègues sur tous les bancs ?

Prenons l’exemple de l’amendement qui visait à interdire l’importation de l’huile de palme. En raison de ses répercussions dans mon département des Bouches-du-Rhône, à La Mède, chez Total, je ne l’avais pas voté. J’avais voté contre, non pas parce que je suis favorable à l’importation et à l’utilisation de cette huile, mais parce que je mesurais le risque que cette suppression brutale faisait peser sur 700 emplois, donc sur 700 familles, dans ce territoire.

Dans ce cas, j’ai été partagé, comme tout à l’heure, entre une éthique de conviction, d’une part – à savoir, en finir avec l’huile de palme –, et une éthique de responsabilité, de l’autre. J’ai préféré une solution raisonnable visant à accompagner une sortie progressive de l’huile de palme. La responsabilité ne se résume pas à presser un bouton à quatre heures du matin, comme on presserait sur une gâchette.

Encore plus près de ma circonscription, à Gardanne, la fin du charbon est annoncée pour le 1er janvier 2022. Les 60 salariés concernés par cette fermeture, qui menaçaient il y a quelques jours de mettre le feu au département, seront accompagnés, avec des mesures de reclassement. De plus, on laissera suffisamment de temps à la centrale pour mener à bien une reconversion complète.

Mes chers collègues, c’est d’une manière solennelle que je m’adresse à vous. Dans quelques instants, vous allez voter pour ou contre l’article 9, qui ne prévoit aucun aménagement ni accompagnement. Relever le seuil d’audit légal, d’une façon aussi brutale, sans accompagnement, sans délai d’adaptation, c’est exécuter 10 000 emplois. Ce sont 10 000 familles potentiellement laissées sur le carreau !

Il est vrai que les commissaires aux comptes ne bloquent pas les ronds-points et ne menacent pas de mettre le feu. Ce n’est pas dans leur culture. Ils sont avant tout légalistes, car ils ont prêté serment de respecter la loi et de la faire respecter.

La responsabilité commande la prise en compte de l’ensemble des paramètres avant toute prise de décision. Pourquoi l’accompagnement qui prévalait pour les uns ne prévaudrait-il pas pour les autres ?

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire comme je le pense : ne comptez pas sur moi pour participer à ce peloton d’exécution. C’est à la lumière de mon éthique de responsabilité, et dans un souci de cohérence, que, comme pour les 700 emplois précités, je n’appuierai pas sur la gâchette en votant cet article. »

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